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Conférence de Moscou sur le dialogue social. Intervention de Laurent Pagnier.

 

Les luttes sociales en Île-de-France

Laurent Pagnier, Secrétaire de l’Union Régionale CGT Île de France
Jeudi 11 octobre 2018 – Moscou

Chers amis, chers camarades,

C’est toujours avec un grand plaisir que nous répondons aux invitations de la Fédération des Syndicats de Moscou. Des liens étroits unissent nos deux organisations depuis longtemps et se sont solidifiés depuis quelques années.

Je tiens à remercier votre Président Mickael Antonsev et vos vices Présidentes et Présidents pour leur invitation à cette conférence et la qualité de votre accueil. Mais aussi le département international de la FSM avec qui nous sommes en contacts constants.

Chaque pays a son histoire, chaque syndicat a aussi la sienne. C’est pourquoi, afin de vous aider à comprendre les enjeux de la situation française, je vais me permettre dans la première partie de mon intervention de vous donner quelques repères sur les valeurs que porte la CGT et des éléments de l’histoire du mouvement ouvrier en France.
On représente souvent la France comme un pays où tout changement serait impossible du fait que les syndicats, et particulièrement la CGT, seraient hostiles à tout changement. Nous serions immobilistes et tournés vers le passé. C’est faux.
C’est d’autant plus faux que nous portons à la CGT un syndicalisme de transformation sociale. Nos combats s’inscrivent dans la longue tradition du syndicalisme, portant les valeurs de progrès, d’émancipation humaine, et de paix entre les peuples. Notre syndicalisme veut contribuer à transformer la société, comment dans ces conditions pourrions-nous avoir peur du changement ?

Si nous refusons certaines réformes, c’est parce qu’elles sont injustes et ne vont pas dans le sens de l’amélioration de la vie des travailleurs. Nous analysons concrètement les lois et réformes que l’on veut nous imposer : Qui met en place ces réformes ? Dans quels buts et pour servir quels intérêts ?

Nous avons eu à affronter ces dernières années, et avec des gouvernements successifs, de nombreuses réformes prétendues modernes par ceux qui voulaient les imposer.Que ce soit la Loi qui a modifié en profondeur le code du travail, les attaques sur la sécurité sociale et les retraites.
Où se trouve la modernité si l’avenir serait de travailler sans droits, avec un départ à la retraite de plus en plus âgé et des pensions de plus en plus basse ?Avec une sécurité sociale minimale ou assurée par des assurances privées que seuls les plus riches pourraient se payer ? Est-ce là l’avenir d’une société du 3ème millénaire ? Non résolument non !

Notre nouveau Président a beau être jeune, cela ne l’empêche pas d’avoir de vieilles idées !Car cette société que les gouvernants et les tenants du capitalisme veulent nous imposer a déjà existé.C’est celle où vivaient nos grands Parents et arrières grand parents, avant que des décennies de luttes sociales imposent, par la grève et l’action collective des avancées sociales qui ont fait faire un prodigieux bond en avant à toute la société française. Non les conquêtes sociales ne sont pas vieilleries à jeter à la poubelle : Elles ont une fonction sociétale et humaine. A la CGT nous disons qu’il est possible en France de vivre mieux avec un salaire décent et des conditions d’existence dignes. Pour cela il faut il faut changer de logique politique en répartissant les richesses créées par le travail vers les travailleurs.

La bourgeoisie française, le grand patronat n’a jamais baissé les bras. Eux aussi ils mènent la lutte des classes, celle de leur classe ! Ils cherchent toujours à se venger des grandes avancées historiques issues des mobilisations populaires. Ils n’ont jamais accepté les grèves qui en 1936 ont gagné les congés payés, les ordonnances de 1945 qui ont donné naissance à une sécurité sociale solidaire alors que notre pays venait de vivre l’humiliation de la défaite,de quatre années d’occupation et de pillage par la puissance de guerre Nazie. La Résistance française unie dans un Conseil National,qui regroupait tous les courants politiques de la Résistance, dont la CGT, avait alors mis au point un programme qui s’appelait les « Jours heureux ». Ce programme a mis en place notre système actuel de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils seraient incapables de se le procurer par le travail. Aujourd’hui ce système est menacé car il coûterait trop cher…Pourquoi ce qui a été possible de créer dans un pays ruiné ne serait plus efficace aujourd’hui alors que la France est la 6ème puissance économique mondiale ?

On nous dit que puisque l’on vit plus longtemps alors il faut travailler plus longtemps, mais que les caisses sont vides pour augmenter les pensions de retraite. Qu’on ne peut pas augmenter les salaires, qu’il faut faire des efforts. Mais c’est toujours aux mêmes a qui on demande de faire des efforts ! Pourtant entre janvier et juin 2018, 47 milliards d’euros ont été distribués en dividendes aux actionnaires des 40 plus grosses entreprises françaises côtés en bourse ! Les grands patrons et les riches peuvent être contents de voir leur profit augmenter sans cesse : la politique du gouvernement français est faite pour eux ! Par contre, les retraités, les salariés doivent se serrer la ceinture. Ce sont pourtant les travailleurs qui, par leur travail, ont créé ces 47 milliards !
Avant-hier, nous étions dans la rue avec 5 autres organisations syndicales pour manifester et dénoncer l’offensive Ultra libérale du gouvernement et du grand patronat. Pour refuser leur modèle de société : la mise en place d’une société toujours plus injuste.

Mais pour en revenir au sujet de votre conférence qu’en est-il du dialogue social en France et dans la Région de Paris ?
En France il peut y avoir des négociations à plusieurs niveaux : avec le patron ou les directions dans les entreprises, avec les ministères concernés pour les branches professionnelles, avec le gouvernement pour les questions qui touchent l’ensemble de la société et des salariés.
Actuellement le gouvernement a ouvert des concertations avec les organisations syndicales et patronales sur la« poursuite de la rénovation du modèle social ».Vous remarquerez que concertation ne veut pas dire Dialogue.
Après l’affaiblissement du code du travail, 7 points sont au programme du gouvernement.
Ces 7 points s’inscrivent, sans surprise, dans la poursuite de la destruction de notre modèle social.
Il s’agit de l’assurance chômage, de la santé au travail, de la transformation de notre système de prise en charge des arrêts maladie, de la retraite, de la lutte contre la pauvreté, du système de santé et enfin de la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie avec, à chaque fois, le leitmotiv de la maîtrise des dépenses publiques.C’est-à-dire de sans aucun moyen supplémentaires alors que les besoins sont plus importants.
On peut ajouter à ce programme la poursuite de la destruction des services publics avec la suppression de 120 000 emplois de fonctionnaires sur cinq ans.
Nous avons dénoncé ce pseudo contrat social en faveur du grand patronat et du monde de la finance et démontré que les propositions de la CGT sont cohérentes, crédibles allant dans le sens du progrès social, redirigeant les richesses créées par le travail vers les salariés, les retraités, les personnes en difficultés sociales.
Nous avons également dénoncé la méthode : Aucune négociation n’est prévue ! Seulement des séries de concertations qui ne sont en fait que des réunions « informatives » sur les projets du gouvernement. Aucune thématique apportée par la CGT n’a été retenue…
Je vous le demande chers camarades, quand un gouvernement qui s’est mis d’accord au préalable avec certaines organisations patronales convoquent les organisations syndicales pour parler de sujets qui auront un impact quotidien sur la vie des gens, annonce ses objectifs, n’écoute pas les avis différents et de toute façon imposera son projet. Où est le dialogue social là dedans ? Même certaines organisations patronales (petites entreprises et artisanat)se plaignent !

Le dialogue social ce n’est pas de dire : Voilà la recette de cuisine à laquelle nous allons vous manger,soyez heureux c’est une bonne recette !

Certaines organisations syndicales acceptent, soit pour essayer de faire bouger quelques lignes qui ne changeront rien au fond, soit pour accompagner le gouvernement sous couvert de modernité…
Nous, nous refusons ce déni de démocratie ! La CGT ne veut pas servir d’alibi, ni de faire valoir. Nous ne participerons pas à des pseudos concertations sous forme de tête à tête avec le gouvernement dont le résultat est écrit d’avance. Il ne s’agit en aucun cas de faire la politique de la chaise vide mais d’apprécier sujet par sujet l’utilité d’une présence CGT.

Mais le plus important pour faire revivre un véritable dialogue, c’est d’aller débattre avec les salariés et élever le rapport de force pour construire des mobilisations de nature à imposer d’autres choix au patronat et au gouvernement.
Le mécontentement est fort chez les travailleurs. Nous avons la responsabilité de proposer des perspectives nouvelles et de redonner de l’espoir aux salariés et confiance dans l’action syndicale. Pour cela, nous nous appuyons sur les nombreuses luttes qui existent dans les entreprises et permettent de gagner des avancées notamment sur les salaires qui reste la préoccupation majeure de tous les salariés.
Et nous savons d’expérience que dans notre pays le dialogue à ses limites, car toutes les grandes avancées sociales ont été le fruit d’un rapport de force social ou politique favorable aux travailleurs. Nous savons que lorsque qu’une idée s’empare des masses elle devient une force matérielle, notre histoire l’a montré : c’est par l’action collective et la grève que les principales mesures sociales ont été imposées dans notre pays. Je sais que dans d’autres pays cela ne fonctionne pas comme cela, que l’on peut parfois arriver à un compromis acceptable par toutes les parties sans avoir recours systématiquement à l’action. La grève et la manifestation font parties de nos nombreuses particularités qui font aussi la force de notre pays.

L’Union Régionale CGT Île –de-France que nous représentons ici avec Cédric Quintin secrétaire Général de l’Union Départementale du Val de Marne,rayonne sur toute la région Parisienne.Cela représente 12 millions d’habitants et 19% de la population française. Les 4 millions de travailleurs et travailleuses de notre région produisent 31,1 % du PIB national. Notre région est en pleine mutation et je sais que des constantes existent dans beaucoup, si ce n’est dans toutes les capitales : La désindustrialisation, la constitution de grandes régions économiques, administratives et politiques cherchant à éloigner toujours plus les lieux de décision des citoyens. Les problématiques de transports, d’habitat et de cadre de vie,de salaires dans une région où la vie est plus chère, d’emplois, la massification d’emplois de plus en plus qualifiés posant ainsi des enjeux nouveaux pour le syndicalisme en direction des Ingénieurs, Cadres et Techniciens, l’embourgeoisement des centres ou de certains quartiers, c’est-à-dire l’éloignement ou la concentration des catégories populaires. Ce sont les impératifs économiques qui dictent les réformes et les restructurations administratives partout où elles ont lieu.

Mais l’enjeu fort en Île-de-France auquel il faut s’attaquer c’est la réduction des inégalités dans notre région (transports, emploi, santé, éducation, etc…). D’autant plus qu’une récente enquête vient de révéler que dans 80% des entreprises d’Île-de-France il n’y a pas d’égalité de salaires entre les femmes et les hommes, les femmes y sont payées 20 % de moins en moyenne pour le même travail. C’est inadmissible !Il y a de quoi avoir un véritable dialogue social de qualité sur ce sujet à condition que chacun y ait sa place et y soit respecté.
Je suis certain que votre conférence et la teneur des débats va nous aider à avancer et nous éclairer sur ce qui se passe ailleurs. A nous aussi de travailler dans chacune de nos structures pour que le travail conjoint avec d’autres syndicats en Europe et dans le monde prennent toute sa place dans nos débats et notre activité.Car il faut trouver des moyens de lutter ensemble !Nous devons porter des revendications unitaires en même temps, partout où c’est possible. Il nous faut porter des lutte communes pour l’augmentation des salaires, la création d’emplois,mais aussi sur la place de la démocratie afin que nos régions ne se construisent pas sans l’avis de celles et ceux qui y vivent et y travaillent !

Je vous remercie de votre attention et vous souhaite à tous plein succès dans vos actions syndicales.

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