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Retour sur la délégation régionale intersyndicale en Palestine.

Du 27 octobre au 3 novembre dernier, à l’initiative de la FSU Ile de France, une délégation intersyndicale (FSU, CGT, FO) et de militants associatifs (DAL, RESF) de 15 camarades s’est rendue en Palestine. Valérie Lesage et Jean-Luc Hacquart y représentaient l’URIF CGT.

Si nombres d’informations nous parviennent de Palestine, sur l’extension des colonies, sur les expropriations, sur Gaza et ses massacres, très peu arrivent en Europe sur les conditions de travail, de salaire, sur la protection des salariés Palestiniens.
L’objectif était donc, d’étudier les conditions dans lesquelles travaillent et vivent les salariés Palestiniens en Israël et en Cisjordanie.
C’est dans ce but que nous avons, sous couvert de tourisme, enchainé les rencontres et sillonné le territoire : Tel-Aviv, Jérusalem, Ramallah, Hébron, Bethléem, Jaffa, Nabi Saleh.
Nous y avons rencontré des syndicalistes Palestiniens et Israéliens, des associations, des militants, des habitants, des agriculteurs…
Une constante, malgré les différences, tous nous demandent: « Parlez de nous, seule l’opinion publique internationale peut, aujourd’hui, imposer au gouvernement d’Israël un changement de politique », nous disait Eléonore Bronstein, co-fondatrice de l’association de-colonizer qui milite pour le retrait des colonies Israéliennes.

Eléonore Bronstein

C’est également ce que nous ont dit la famille Tamimi, le président d’une coopérative agricole, le syndicat des journalistes, les secrétaires du PGFTU ( Syndicat Général Palestinien) de Jérusalem et de Palestine, les responsables de syndicats indépendants, le secrétaire de Hadash (Front démocratique pour la paix et l’égalité, parti marxiste non sioniste), le Président de BDS (association Boycott, Désinvestissement, Sanction), un des fondateurs de l’association le Club des Prisonniers, le responsable d’un centre culturel d’un camp de réfugiés palestiniens …

Témoigner au delà du Mur, de ce que nous avons constaté, ressenti, recueilli lors de nos différentes rencontres.

Le Mur, symbole de l’apartheid et la colonisation que subissent le peuple Palestinien, à la fois outil de domination et d’humiliation pour le peuple Palestinien et soi-disant de « protection » pour les colons Israéliens.
Ce mur qui isole les colonies, et qui sépare les palestiniens, qui les éloigne, qui rallonge les parcours et les temps de trajet, n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il n’est qu’un élément constitutif de la politique d’apartheid poussée à son apogée par le gouvernement Netanyahou.

La traduction d’apartheid est « régime de discrimination ».

Et la politique d’apartheid saute aux yeux dès notre arrivée à Jérusalem, cette ville millénaire, aujourd’hui coupée en deux, nous revivrons ce même sentiment, amplifier même lors de notre visite d’Hébron.
Si l’on y croise des touristes de toutes religions et de toutes nationalités, on y croise également des policiers et des militaires, armes d’assaut apparentes, visages fermés, qui patrouillent en maître dans les rues. Les issues fermées et les grilles coupent la ville en deux, les check points contrôlent les accès à la partie Juive de la ville, en constante progression. Cette réalité est la même à Bethléem, à Hébron, villes que nous avons visitées mais également tout au long des routes que nous avons parcourues lors de notre séjour.
Car ici, comme ailleurs en Israël et Cisjordanie, l’état d’Israël ne respecte pas les conventions et lois internationales, vis-à-vis des Palestiniens.
Ces inégalités de traitement sont partout, dans la liberté de circuler, de travailler, d’habiter, face aux lois, à l’accès aux soins, à l’éducation, au logement, dans les prisons, ….

Le statut social est différent entre salariés Palestiniens et Israéliens.

Le SMIC Israélien est de 5 500 shekels, pour les Palestiniens, 1400 shekels. La politique d’apartheid, dont le mur est le symbole, s’appuie sur une exploitation du travailleur Palestinien. Le système Israélien, comme l’apartheid en Afrique du sud, est une déclinaison du système capitaliste.
Les salariés Palestiniens représentent un sous-prolétariat extrêmement « bon marché » pour les patrons israéliens et, hélas, pour les patrons Palestiniens. Et que dire de la situation des femmes salariées, celle-ci est évidement pire, en terme de sous rémunération, de conditions de travail, de pression diverses, …
Le travailleur Palestinien, pour avoir droit aux assurances social, doit travailler au moins 9 jours, comme le dénoncent l’ensemble des interlocuteurs que nous avons rencontré. De ce fait, les contrats sont systématiquement inférieurs à 9 jours, quelques soit le nombre d’heures réellement effectuées, les cotisations aux assurances sociales ne sont donc pas versées, et, parfois, le salaire non plus.
Ce travail « au noir » est une pratique courante, aussi bien de la part des employeurs Israéliens que des Palestiniens.

Le droit de circuler et de travailler bafoués :

« La plupart des travailleurs, qui prennent leur poste à 8h à Jérusalem, se sont levé très tôt, parfois avant 4h du matin, pour passer les check points et être à temps sur leurs lieux de travail »
C’est ce que nous disait Kader, représentant du PGFTU, syndicat Palestinien à Jérusalem, lors d’un entretien qu’il nous a accordé. Le passage au check-point dure des heures, les gens sont fouillés, leurs papiers scrutés, ils attendent dans des conditions inhumaines, comme du bétail, insultés, méprisés par les militaires Israéliens. Certains « achètent » un permis de travail au noir (900 dollars, une fortune en Palestine) pour pouvoir travailler, car sans permis de travail, il est impossible de venir à Jérusalem.

Protection sociale, la aussi des différences de traitement notoires.

En cas d’accident de travail, le salarié est assuré par son employeur, dans une assurance privée, si l’arrêt dépasse deux semaines, le service de soins est assuré par une clinique privée, l’assurance prend en charge un ou deux jours. Au-delà, c’est l’hôpital. Pour les salariés non assurés, ils doivent payer eux-mêmes. Les employeurs, qu’ils soient Palestiniens ou Israéliens, n’assurent pas tout de suite leurs salariés, parfois pas du tout.
Pour ce qui est du secteur du pays encore sous responsabilité de l’autorité Palestinienne, une sécurité sociale existe, sans décret d’application, dans un contexte de corruption, sans garanties, la majorité des travailleurs Palestiniens ne sont pas déclarés, ou sous – déclarés.… Les patrons, comme chez nous, sont souvent debout contre cette loi (ils doivent cotiser 9% des salaires à la caisse).

Le droit à la santé, à la sécurité n’existe pas pour les Palestiniens à Jérusalem.

Nous avons rencontré, également, Besma Abdallah, Ambulancière à l’hôpital de Jérusalem Est et Syndicaliste. Pour être ambulancière, il faut une certification. Besma est la seule femme Palestinienne à l’avoir obtenu. Son engagement, sa détermination vient de la première Intifada, de la mort de son beau frère, des blessures infligées à sa sœur. « En cas d’urgence, si on appel une ambulance israélienne, elle met toujours beaucoup de temps à arriver, le personnel médical est armé et elle est accompagnée par un militaire ». Dans Jérusalem est, l’ambulance ne vient pas, tout simplement. Avec le mur, les nombreux patients issus de Cisjordanie, qui, auparavant venaient se faire soigner gratuitement à Jérusalem, aujourd’hui n’y accèdent plus. Ils peuvent aller à l’hôpital Israélien, auquel cas, c’est l’autorité Palestinienne qui paye. Les caisses d’assurances (privées) reversent environ 6 millions de shekels pour l’hôpital de Jérusalem, mais pas pour l’hôpital Palestinien. De même, toute extension est soumise à autorisation de l’état Israélien, et est systématiquement refusé.

Accès à l’emploi… Apartheid !

Avec un taux de chômage de 35%, en augmentation, avec 80% des salariés du privé sans loi du travail appliquée (pas de congés, pas de droit à la maternité, etc…) dont 36% payés en dessous du SMIC, les Palestiniens n’ont d’autres choix que d’accepter les emplois qu’on leur propose…Ils ne choisissent ni le lieu, ni le type de travail, ils héritent des emplois les plus durs, les plus pénibles, les plus ingrats, en dehors des conventions internationales du travail.

Le droit au logement, prôné par l’ONU, n’est, en Palestine, qu’un vœu pieux.

Le manque de logement, à Jérusalem, malgré de nombreuses constructions, y compris du côté Israélien (ville enclavée dans ses murs) a un effet capitalistique (offre et demande) sur le coût du mètre carré : de 350 à 400 000 dollars pour un 100 à 120 mètre carré. L’accès à l’achat ou à la location est devenu totalement inabordable pour les Palestiniens dont les salaires sont beaucoup plus bas que ceux des Israéliens (en sachant que le SMIC, déjà inférieur à son homologue israélien n’est que rarement respecté). Autre problème majeur, les taxes. Les impôts sont très élevés, et de nombreuses familles ont été expulsées faute d’avoir réglé leurs impôts (remplacées par des familles plus aisées, donc israéliennes). De façons induites, les populations les plus pauvres, les Palestiniens, sont donc forcés de partir. Il s’agit d’une colonisation économique.

Dans d’autres endroits, ce sont les destructions d’habitations sous des prétextes tels que trop près du Mur, voir des quartiers abandonnés totalement, car enclavés, isolés par le Mur, qui provoquent le départ des Palestiniens, dans d’autres ce sont les pressions et exactions des colons rendant la vie infernale aux Palestiniens.
Pour la jeunesse, c’est le manque de perspective d’avenir, les restrictions de liberté, l’absence de droit, de travail, qui les font partir.

Pour ce qui est de la liberté de circulation, le Mur, hélas, est un argument à lui seul, entre atteinte à la liberté de circulation, au retour dans leur état d’origine, et le sentiment constant d’étouffement et d’humiliation que subit le peuple palestinien.
Les revendications principales qui nous ont été exprimées par les Palestiniens :
• Fin du trafic des permis, par la fin des permis de travail, la liberté de circulation.
• Travail et salaires égaux avec les israéliens, l’égalité Femme/ Homme
• L’application de la loi travail de 2002
• Assurances sociales
• Droit à la santé, à l’éducation
• Arrêt de la Colonisation, la fin du contrôle de l’eau
• La reconnaissance de l’état de Palestine et de sa capitale : Jérusalem.
Monsieur Shaher Sa’ed, président du PGFTU à Ramallah que nous avons rencontré, nous confiait que sans la pression de l’opinion publique internationale, les rapports de force, dans un pays occupé, ne sont pas en faveur du peuple Palestinien, Peuple sans armée, sans arme et dispersé sur un territoire qu’il ne contrôle pas.
Cette opinion est partagée par l’ensemble des interlocuteurs que nous avons rencontré (GFIU-syndicat indépendant, BDS, De-Colonizer, Syndicat des journalistes..). Tous nous demandent d’intervenir auprès de l’état Français pour la reconnaissance de la Palestine, mais aussi pour que cesse l’impunité d’Israël.

Le Boycott, solution légale, non violente, est plébiscité lors de chacune de nos rencontres par l’impact qu’il a vis-à-vis de l’économie israélienne et donc sur le gouvernement israélien.

Les palestiniens doivent décider eux-mêmes de la lutte, ils savent que le boycott peut avoir des effets sur eux, la société palestinienne estime que cela vaut le coup, à nous d’identifier les entreprises françaises défaillantes au droit, complices de l’apartheid pour les rendre publiques et organiser leur boycott.

Les femmes, les hommes avec qui nous avons échangé pendant ce voyage, toutes et tous étaient déterminés, toutes et tous portaient un message d’espoir.

Citons-en quelques-uns :

Ahed Tamini

 

 Ahed Tamimi, 17 ans, son incarcération arbitraire, dans les geôles israéliennes, n’a fait que renforcer sa détermination, son combat pour son avenir et celui des Palestiniens. Elle nous a confié ces mots, qui accompagnent son combat : « C’est aux Israéliens de partir, ici, c’est notre terre, les anciens se sont trompés, sur les 2 états, sur la stratégie de lutte. »

 

 

 

Wali Foukim

 

 

Wali Foukim, paysan Palestinien, responsable d’une coopérative agricole : « C’est notre terre ici, ce sont les colons qui partiront ! Si nous continuons à sourire c’est que nous aimons la vie, notre détermination c’est pour nos enfants, pour leur avenir. »

 

 

 

 

Ribal Algutti

 

Ribal Algutti 27 ans, directeur du Centre Culturel du Camp de réfugiés Aida (L’action du centre culturel est destinée à défendre l’humanité des réfugiés, en promouvant l’expression positive. Le centre travail avec les enfants, les parents et les écoles. Il y a une forte implication des femmes.) : « La violence n’est pas inscrite dans nos gènes, nous créons ici l’espoir et la paix au sein de notre communauté ».

 

 

 

L’esprit de ces messages, c’est ce que toutes et tous nous ont communiqué. Nous nous devions de le transmettre. Ce que nous avons ramené de ce voyage, c’est la détermination, le courage, le sourire, l’espoir en un avenir meilleur et la lucidité, présents lors de chacune de nos rencontres, sans jamais ressentir une once de renoncement, de fatalisme, de plainte.

Une leçon d’humanisme, de tolérance.

Valérie Lesage et Jean-Luc Hacquart 

 

 

 

 

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